Basile Bernard

Merci pour ce moment

Difficile de passer à côté de ce livre de la rentrée littéraire 2014. Les ventes du premier jour, de mémoire de libraire, n’avaient jamais été aussi bonnes, qu’il s’agisse des 50 nuances ou de Harry Potter. Il pourrait s’appeler « Je me suis fait larguer », par François Hollande, mais c’était déjà pris 🙂

Ca sera donc « Merci pour ce moment« . Pour être tout à fait franc, j’ai commencé par me jurer de ne pas le lire, à en juger par les « bonnes feuilles » et finalement, si.
Comme dirait Valérie en parlant de son Président chéri, tous les hommes ne sont  que duplicité & lâcheté et je me suis donc renié sans vergogne pour lire cet ouvrage pour deux raisons. Tout d’abord, précisément parce que ça aurait pu s’appeler « Je me suis fait larguer par le Président » et qu’à ce titre et par comparable, la « first lady » qui sommeille en moi a voulu voir comment un autre livre sur la rupture raconté à la première personne était tourné. 🙂

Ensuite, justement parce que les extraits qui polluaient le net étaient tellement affligeants que j’ai imaginé que ce livre pourrait être une très bonne démonstration par l’absurde de ce qu’il ne faut pas faire lors d’une séparation, fût-elle d’avec le plus haut personnage de l’état.

Je ne fus pas déçu !

Les paradoxes et les incohérences sont permanents, et il suffit d’avancer de dix pages pour lire tout et son contraire. D’aucuns voudront qu’il s’agisse de l’illustration littéraire de l’ascenseur émotionnel par lequel la pauvrette est passée. Supposons. Suffisamment de dates sont mentionnées pour que le lecteur comprenne que tout cela a été écrit en juillet-aout 2014, ce qui ne donne pas beaucoup de poids cette thèse.
Quoiqu’il en soit, c’est finalement une sémiologie exhaustive de l’hystérie dont l’auteur se défend tout au long du volume. C’est d’ailleurs l’un des deux axes du roman (sic!), l’angle du « c’est même pas vrai d’abord ».

C’est même pas vrai d’abord!

Par une rationalisation constante et acrobatique, l’auteur passe la moitié des pages à expliquer que si l’on a cru, par le biais des images, qu’elle était sournoise, jalouse, manipulatrice, c’était en fait pour des bonnes raisons que le bon peuple ne pouvait qu’ignorer jusqu’à la sortie de ce bouquin salvateur. Salvateur pour qui, c’est une autre question.
A aucun (AUCUN) moment dans le livre, notre first girlfriend nationale ne se remet en question. Pas une fois. La posture de la femme blessée vaut immunité universelle, en matière de responsabilité conjugale, semble-t’il.

Les petits africains qui meurent de faim.

Les seuls instants où la cocue de la République minore pour un temps sa souffrance, c’est pour nous parler des haïtiens, des maliens, des gamines enlevées par Boko Haram, des viols utilisés comme arme de guerre. Dans un éclair de lucidité, Valérie nous dit que sa souffrance n’est rien comparée à ces enfants qui se battent pour lui tenir la main sans savoir qui elle est, qui n’iront surement pas à l’école, qui meurent de faim, qui n’ont pas accès aux soins occidentaux, ad naseam…

Je l’ai rencontré quand il n’était rien du tout.

L’autre argument constamment développé pour justifier de sa douleur, c’est qu’en plus, elle n’était même pas là pour l’argent ni le pouvoir, c’est dire s’il s’agissait de l’amour-éternel-sans-divorce ! Quand elle l’a connu, il n’était presque rien, il était plus gros, et en plus il mettait des chemisettes, rendez-vous compte de l’abnégation de Sainte Valoche.

A ce prix là, faisons parler les morts…

Arrivé au milieu du livre, le lecteur pense avoir compris le principe, et ne voit pas comment ça peut empirer. Las ! Valérie ne recule plus devant rien et nous rapporte les propos de la défunte mère du Président, que-dis-je, autant dire sa belle mère, qui n’a jamais vraiment aimé Ségolène et avec elle parlait tous les jours par téléphone. Feu Mme Hollande sera bien en peine de défendre son président de fils, là où elle est, mais c’est sans doute une coïncidence… Oh wait !

Y’en a un peu plus, je laisse ?

Je vous épargne les détails sur cette méchante Ségolène – qui s’est fait piquer son mec en premier, soit-dit en passant – et la litanie de reproches à François, conjoint infidèle et lâche comme seuls les hommes savent être – Valérie, elle,  a probablement trompé son propre mari, le second, avec la plus grande classe du monde.
A lire l’auteur, on se demande vraiment comment elle a pu supporter tous les affronts que notre Président – ne vous en déplaise – occupé qu’il était à diriger la France, lui a fait subir… On me dit dans l’oreillette que l’argument imparable de « la femme amoureuse » permet de justifier que l’on puisse se laisser trainer dans la boue qu’elle décrit pendant aussi longtemps sans rien dire ( et naturellement sans perdre une once de l’amour-eternel-sans-divorce qu’elle ressent pour son prince, son roi, son aigle )
Personnellement, quelqu’un qui se laisse maltraiter comme ça et qui reste, j’appelle ça un abruti, mais bon, c’est surement l’aigri en moi qui parle, hein 🙂

Mais alors, pourquoi lire ce livre ?

Et bien justement pour l’absence totale de discernement qu’il propose. Si vous êtes une personne d’infinie ressource et sagacité – ou presque – vous serez immanquablement navré(e) par la mise en scène grotesque de l’ex première dame, des résultats évidents que le déni a sur sa psyché, les raisonnements pathétiques qu’elle développe pour éviter de se remettre en question et enfin, l’inconséquence avec laquelle elle a pu donner à voir le spectacle d’une concubine tombée en disgrâce avec une vulgarité supposément masquée par le « prestige » d’un tirage à 200 000 exemplaires.

Que ferait Valérie Trierweiler à ma place ?

Ainsi, par l’absurde, si vous êtes en situation de rupture, vous pourrez raisonner par comparable et vous poser la question « Que ferait Valérie Trierweiler à ma place ? »
Une fois que vous avez un début de réponse, faites exactement l’inverse.

« Bonne » lecture !

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